La simulation moléculaire est l'un des domaines les plus dynamiques du calcul scientifique. Son champ d'application est très large, allant de la chimie théorique et la conception de médicaments jusqu'à la science des matériaux et les nanotechnologies. Son importance dans la science moderne a été reconnue par deux prix Nobel (Kohn & Pople en 1998; Karplus, Levitt & Warshel en 2013). C'est de plus une source inépuisable de problèmes passionnants pour les mathématiciens et les informaticiens.
De façon imagée, la simulation moléculaire peut être utilisée comme un microscope virtuel pour l'étude de molécules plus ou moins complexes avec une résolution spatio-temporelle à l'échelle atomique. Elle peut également servir d'outil pour la conception assistée par ordinateur (CAO) et l'ingénierie de nouvelles molécules, de nouveaux matériaux et de nouveaux nano-dispositifs.
Cependant, la simulation moléculaire rencontre encore de fortes limites. En particulier, la simulation de systèmes moléculaires de très grande taille, ou de systèmes de taille plus modeste mais dans lesquels les électrons interagissent fortement entre eux, restent hors de portée aujourd’hui. Surmonter ces limites est extrêmement difficile. Cela nécessite des percées conjointes dans plusieurs disciplines, et ne peut, à notre avis, être réalisé que dans le cadre d'un effort multidisciplinaire intensif comme ceux rendus possibles par les financements du type ERC-Synergy.
Notre objectif est de surmonter certaines des limites actuelles dans ce domaine et de fournir aux communautés académiques et aux entreprises industrielles des logiciels de simulation moléculaire de nouvelle génération, beaucoup plus rapides et donnant des résultats quantitatifs fiables. Ces logiciels apporteront une aide précieuse aux physiciens, chimistes et biologistes cherchant à relever les grands défis technologiques et sociétaux du XXIe siècle (santé, énergie, environnement...).
En effet, ces défis nécessitent de comprendre le fonctionnement intime de la matière à l'échelle atomique et de développer des techniques d'ingénierie à cette échelle. Les modèles, algorithmes et logiciels de simulation moléculaire que nous comptons développer dans ce projet permettront de faire de la CAO de nouveaux médicaments, matériaux ou nano-objets.
Un exemple d’avancée sera par exemple de fournir des estimations d’erreur sur les résultats issus des simulations numériques (ce que nous appelons « estimateurs et indicateurs a posteriori »). Celles-ci permettront de compléter ces résultats par des barres d'erreur, comme le sont généralement les résultats expérimentaux. Ces barres d'erreur sont cruciales pour estimer la fiabilité des résultats et leur domaine d'application.
La présence du volet “calcul scientifique haute performance” va nous permettre d’intégrer de nouvelles notions comme les algorithmes qui minimisent le transfert de données entre les processeurs, permettant de passer à l'échelle des supercalculateurs, mais aussi de réduire la consommation énergétique. Ces algorithmes seront développés et utilisés pour accélérer les calculs de dynamique moléculaire sur les nouvelles architectures informatiques de type exascale et post-exascale (c’est-à-dire de dix à mille fois plus rapide qu’à l'heure actuelle). Ils seront aussi dédiés aux méthodes issues de la chimie quantique afin de rendre possible le calcul efficace des structures électroniques de systèmes dont les électrons sont fortement corrélés.
Ceci nécessite de faire face à la malédiction de la grande dimension (c’est-à-dire l’augmentation exponentielle de la complexité en fonction de la dimension) inhérente à ces systèmes. Pour cela, des algorithmes et une librairie informatique dédiée utilisant une représentation des données en grande dimension par des objets, appelés tenseurs, seront développés afin de permettre leur compression efficace, c’est-à-dire leur représentation par des objets plus simples en petite dimension, tout en préservant l'information. La librairie pourra être utilisée dans d'autres domaines qui traitent des données en grande dimension, comme par exemple l'intelligence artificielle.
Ce projet représente une belle opportunité d'effectuer des recherches novatrices de pointe à l'interface de la chimie, de l’informatique et des mathématiques, qui vont permettre, au travers d'avancées majeures dans chacune de ces disciplines ainsi qu'à leurs interfaces, de découvrir in silico de nouvelles molécules et matériaux.
Idéalement, nous aimerions modéliser une cellule entière dans toute sa complexité, ce qui ouvrirait la voie à la génomique et à la médecine personnalisée au niveau atomique. Dans un autre domaine nous allons développer des approches innovantes pour simuler des nouveaux matériaux comme par exemple les matériaux 2D multicouches qui ont des propriétés physiques étonnantes dont beaucoup sont encore à découvrir.